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Sur la piste de nos ancêtres, les Néolithiques, 2ème partie

A la recherche du village disparu ...
par Philippe Barjaud


 

Dans les garrigues s’élevant entre Quarante et Creissan, entre trois et deux millénaires avant notre ère, des groupes de pasteurs et d’agriculteurs ont créé les premiers sites habités de manière permanente de la région. Succédant au nomadisme des chasseurs-cueilleurs du Paléolithique, cette sédentarisation a été la conséquence de la fin des glaciations et du changement des milieux. On a nommé cette période le Néolithique, ou « âge de la pierre polie ».

 

L’autre jour, ma balade s’était achevée auprès d’une tombe collective. Qui dit sépulture, dit habitat proche, non ? Alors, où peut bien se trouver le village de l’époque, comme on peut en voir une reconstitution à Cambous, au nord de Montpellier ?

 

Je me mets donc en marche, sur ce causse situé au nord de la déchèterie intercommunale, nommé « La Garrigue blanche ». Les vignes alternent avec les landes, parfois séparées par des murets de blocs et pierrailles calcaires entassées, résultant de l’épierrement des champs. Parfois, le clapas (« tas de pierres » en occitan) abrite une capitelle, un simple abri édifié à la manière d’un igloo, avec des lauzes posées en encorbellement, sans aucun mortier (technique dite de la « pierre sèche »).

 

De tout temps, des légendes ont couru sur ces modestes édicules. Certains ont voulu y voir des cabanes néolithiques, ayant ainsi traversé les millénaires sans aucun dommage ! Serait-ce les vestiges de notre village ? Hélas non, la réalité est plus prosaïque… Même pas refuge de berger, la capitelle n’est le plus souvent qu’une fantaisie de cultivateur, aménageant une sorte d’abri de jardin pour ses outils en bordure du champ épierré.

 

Je continue mon chemin, jusqu’à la limite du causse. À cet endroit, le rocher s’avance dans le vide, ménageant à sa base un renfoncement, quasiment un début de grotte… Une habitation troglodyte, alors ?

 

Encore une fois, ce n’est pas la bonne explication. Un tel « abri sous roche », comme le nomment les archéologues, avait une autre fonction que l’habitat. En fait, je suis en présence d’une autre forme de tombe collective, une grotte sépulcrale. Celle-ci aurait été utilisée à la fin du Néolithique, approximativement entre 3.000 et 2.000 ans avant notre ère. Sans doute par des « Saint-Poniens », ce peuple à qui on attribue les fameuses statues-menhirs dressées dans tout le haut-Languedoc, comme celles visibles au Musée de préhistoire de Saint-Pons de Thomières.

 

Ainsi, il me faut admettre qu’il n’existe aujourd’hui plus aucune trace visible du village néolithique que je recherche. De fait, d’après toutes les découvertes, les peuplades d’alors construisaient plutôt de grandes huttes constituées d’une charpente en bois, couverte de paille ou de terre, posée sur des murets de pierre ou de pisé. Ces habitations ont disparu depuis belle lurette, du fait des intempéries ou du soc des laboureurs. Un exemple contemporain, bâti sur ce modèle venu du fond des âges, est visible à Fraïsse-sur-Agout dans le Parc naturel régional du Haut-Languedoc, il s’agit du pailher de Pratalaric.

 

C’est alors qu’en redescendant vers Capestang, entre le pont de Saïsse et le cimetière, j’aperçois la silhouette de l’oppidum d’Ensérune, au loin à l’horizon. Découvert en 1860 par l’abbé Giniès, le site fut d’abord un simple village aux 6ème et 5ème siècles avant J.C., puis une véritable cité celtique aux 4ème et 3ème siècles, commerçant avec les Étrusques et les Grecs. Mais là, je ne suis plus au Néolithique, j’ai même fait un grand saut dans le temps, par-dessus le Chalcolithique et l’âge du Bronze (–1.800 à –700), pour atterrir à l’âge du Fer.

 

 Puisqu’Ensérune était alors la « ville », Capestang devait probablement en être le faubourg ? En tout cas, une étape sur la grande route de l’époque, la voie Héracléenne, qui menait d’Est en Ouest, des Alpes jusqu’au détroit de Gibraltar, en passant par les Pyrénées.

 

Et la suite ? Eh bien, ce sera l’arrivée des Romains… à bientôt !