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A-t-on vraiment récolté du sel dans l’étang de Capestang ?

par Philippe Barjaud


Des marais salants dans l’étang de Capestang, comme en Camargue, cela a vraiment existé. D’ailleurs, le cadastre actuel mentionne encore un lieu-dit dénommé « Les Salines » (sur la carte IGN, c’est « le Pré de l’Ale », à gauche de la route départementale en allant vers Montels). Pourtant, l’eau de l’étang est douce aujourd’hui, et nous sommes à des lieues de la mer… Alors pourquoi ?

 

Cette histoire remonte à plus de dix millénaires, au Paléolithique, lorsque l’homme préhistorique campait du côté de la Tamarissière. Devant lui, ce n’étaient pas des marécages qui s’offraient à sa vue, mais un golfe ouvert sur la mer Méditerranée, avec au loin la silhouette de l’île de la Clape.

 

Encore 10.000 ans plus tôt, la fin de la dernière grande glaciation (« Würm »), et donc la fonte des gigantesques calottes glaciaires, avait déclenché une formidable remontée du niveau des océans, de l’ordre de 100 mètres. En conséquence, la mer a submergé le large delta de l’Aude, remontant jusqu’à dix mètres au-dessus du niveau actuel, en englobant l’emplacement de l’étang de Capestang, dont le point le plus bas vers Montels n’est qu’à un mètre d’altitude, et deux mètres tout près de Capestang. L’origine de cette dépression a longtemps prêté à débat, une érosion différentielle par les vents tempétueux en période glaciaire, ou bien un effondrement karstique ?

 

Pour comprendre la suite, il faut savoir que le fleuve Aude, dévalant depuis la chaîne des Pyrénées, charriait de grandes quantités d’alluvions, limons, sable et galets. Ceux-ci se déposaient régulièrement sur ses rives, finissant par isoler de la mer certaines parties du golfe, exactement comme les sédiments charriés par le Rhône ont fini par isoler les étangs entre Montpellier et Agde par un lido.

 

Au large de Capestang, le golfe est devenu une lagune salée, comme l’étang de Thau. Et c’est ce sel marin qui fut ensuite exploité, notamment au Moyen-Âge entre les 9ème et 13ème siècles, assurant des revenus substantiels aux archevêques de Narbonne, ce qui explique leur attachement à leur possession de Capestang. Mais cela n’allait pas durer, du fait de l’envasement de l’étang, par les apports de ses affluents bourbeux. C’est à partir du 17ème siècle qu’il n’est plus fait mention de salines, et que débutent alors les grands projets de dessèchement de l’étang, pour le convertir en terrains de culture et d’élevage.

 

Sources :

  •  Pour une analyse de l’évolution dynamique du littoral biterrois (collectif)
  •  Formations littorales pléistocènes du Languedoc (Paul AMBERT)
  •   Géomorphologie et histoire de l’étang de Capestang (Max DERRUAU)
  •   L’exploitation du sel sur les étangs du Languedoc (André DUPONT)

 Légende de la carte :

  •  en bleu clair, l’extension maximale de la Méditerranée,
  •  en bleu foncé, son emprise actuelle, en incluant les étangs de Capestang, Lespignan, Vendres, et Bages-Sigean, l’Ayrolle…