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Hommage à Franck Sigala (1919-2017)

par Jacques Chamayou


Dans la série « Hommages », nous avons voulu rendre hommage à l’une des personnalités qui a le plus compté dans l’histoire de l’école du rugby des années 60 et 70.
Pour ce faire, nous avons repris le « papier » que j’avais écrit voici près de vingt ans. Puis nous l’avions publié dans le tout nouveau (à l’époque) site du club de rugby de l’ABB. Il ne s’agit pas d’un acte de paresse. Mais Franck Sigala continue à exister dans nos esprits d’enfants et d’adolescents. Comme si chaque jour nous devions nous attendre à le revoir, au seuil de sa vie, déboucher à l’angle d’une rue. Voici donc :
«… Il traverse le village, chaque jour, comme il a traversé notre enfance. En dégageant dans son bel automne qui perdure, cette force tranquille si chère à un célèbre publiciste… au patronyme étonnamment proche de celui de notre ami. Publiciste qui a promu en 1988 la campagne du premier candidat à l’Elysée. Le même a ensuite organisé la campagne d’un candidat d’un autre bord. Avant de faire l’apologie de l’enrichissement pécuniaire comme signe d’épanouissement...
La comparaison s’arrête à cette simple homonymie. Il manque certainement dans la panoplie de vertus du promoteur d’une célèbre montre de luxe, une large part de bonne foi et d’intégrité qui sont loin d’être les dernières parmi celles que possède « notre » homme .
Enfants, sur l’herbe était le bonheur de vivre pour beaucoup de jeunes capestanais. Cette joie simple d’être, d’exister que transmettait à grands coups d’humour, de tendresse et de générosité, un Educateur au-dessus de tout soupçon, habité d’une sensibilité à fleur de peau.
Sa douce parole, aux antipodes des tempêtes orales qui se déchaînent parfois dans l’environnement des équipes de jeunes, véhiculaient à la fois tolérance et combattivité, humilité et fierté de porter le maillot bleu sulfate.
A en croire les souvenirs « pré et post soixante-huitards », le sillon de cet alchimiste hors pair a laissé des traces. Les graines ensemencées ont à leur tour produit de nouveaux plans.
De la pureté de sa personne, il doit subsister au fond de chacune des générations qu’il a accompagnées, quelques racines vigoureuses. On ne sort pas indemne d’une telle chaleur humaine sans cesse en prise avec la jeunesse. On s’en trouve marqué à vie. Les émotions vécues à ses côtés sont inscrites de manières positivement indélébiles. Ceux qui ont repris le flambeau, et qui à leur tour accompagnent les jeunes pousses, ne peuvent le faire plus ou moins consciemment, sans référence à ce qu’il leur a transmis d’authentiquement humain.
Comme si sa mission n’avait pas suffi, il a constitué en bon gardien du temple, d’énormes archives. Un véritable trésor pour la mémoire collective du sport local. Y plonger est un moment précieux et délicieux, tant la fidélité et l’exhaustivité quasi-totale des documents consciencieusement classés, vous transportent entre nostalgie et plaisir. Des fameux lendits, ces grands mouvements gymniques d’ensemble, aux rencontres d’athlétisme sur la cendrée et la terre battue, en passant par les cross durant la période d’hiver, il a tout photographié de la diversité des activités de l’USEP.
Ses mains magnifiques sont à la fois durcies aux durs labeurs et maîtresses d’une écriture aux contours réguliers et harmonieux, piquée même d’une marque ministérielle. Elles sont le symbole de cette double aptitude à évoluer avec autant d’aisance sur les fronts mécanique et intellectuel de la vie quotidiennes. Ses magnifiques écrits souvent empreints de poésie en attestent.
Agir et penser sont deux engagements indissociables de sa philosophie. Qui mieux que lui peut symboliser le fameux principe d’un célèbre théoricien de l’Education Physique et Sportive : « Un individu agissant est un individu décidant ».
Son implication dans ce domaine de l’Education, reflète bien la conscience et la volonté qui sont les siennes, de toujours parfaire ce qu’on nomme l’esthétisme, dans ce que ce terme a de plus noble. Ce souci permanent de la « bonne » posture dont il a longtemps fait bénéficier les filles et les garçons, dans sa salle de gym personnelle qu’il avait lui-même organisée à partir d’agrés de sa propre fabrication.
A un moment donné de sa vie, une déception largement teintée d’amertume, est venue contrarier sa carrière. Malgré tout, le temps a quelque peu adouci l’intensité de son légitime mécontentement. Sage parmi les sages, il retient surtout de son long périple au service et à l’écoute des jeunes, les innombrables satisfactions que ceux-ci, dans un partage inconscient, lui ont apportées sur les plans sportif et humain. Au nom d’une longue ribambelle de capestanais, immense merci Franck. »
Photo : Franck Sigala et son compère Georges Pech, avec les "52/53" à l'occasion des 25 ans de l'Ecole de Rugby, vers la fin des années 80

Franck Sigala, 19 ans (à gauche) et son copain René Espallargas, 21 ans, pendant les vendanges de  1938


Tournoi interrégional a Saint Jean en Royans Benjamin et Minimes
54-55 et 52-53