Péacha en pèlerinage à la coopé !

par Jacques Chamayou

 

Les photos et commentaires qui foisonnent en ce moment sur « CapHisCuletPat » ont interpelé Péacha. Mais qu’est-ce qu’il leur prend à tous de revenir au temps des semals, cavals et autres camionnettes aux voix enrouées. Peut-être se trame-t-il quelque chose du côté des Auberges ? En ce dimanche matin, d’un pas alerte il décide d’aller humer l’air des quatre routes ... Et s’ils avaient décidé d’ouvrir à nouveau la station Ozo pour concurrencer Inter ? se dit-il.  Non… quand même pas ! Il s’agit de tout autre chose. Il en est convaincu… Presque !

 

C’est en arrivant au bas de la rue de Metz qu’il comprend, soudain. Il est enveloppé par des effluves divines de vin, mêlées à la caramelade de figues esclaffées au sol. Mais oui … C’est bien sûr !

 

… Ça grouille de partout dans la cour de la coopé. Des voix, des hennissements, les « clocs » des sabots, des coups de klaxon faiblards, des bruits de bois qu’on entrechoque, les cliquetis des foulo pompes enchevêtrés à ceux des fouloirs…  Et au-dessus de tout ça, le superbe fronton qui tel un donjon de château du moyen âge, surveille l’activité de ses généreux protégés occupés à venir vendre le fruit de leur labeur sur l’espace de la basse-cour.

 

Le voilà redevenu vivant et dynamique, le poumon économique du village. La coopé revit le temps de sa splendeur. Péacha pose un pied sur la petite volée de marches qui accède au quai pour mieux contempler le spectacle. Bobiel l’aperçoit et vient le rejoindre. « Alors Péacha, t’as vu ? Elles sont pas belles ces cuves en ciment ? Rondes comme de grosses toupines, hautes comme des petits suisses gigantesques ? Et bien, mon ami, je suis fier d’avoir participé à leur construction ! »

 

Péacha acquiesce, admiratif du travail réalisé … « Et tout à la main, le béton ! » Les deux amis se prennent à rêver … La cave coopérative et son fronton populaire va rester en l’état. Le vent de nostalgie qui souffle sur le village a fini par éparpiller aux quatre routes les pièces d’un dossier trop contrariant. Tous les deux rêvent à la conservation de leur cave. Construite en 1936. Symbole d’une mise en commun du fruit du travail de la vigne. Comme dans toute la France, de l’Alsace au midi. Fierté de tout un peuple, comme l’évoquent les slogans inscrits en lettres capitales. Tout à leur rêve, ils ne voient pas s’approcher un homme d’un certain âge. Très vieux même. Il est accompagné d’une jolie jeune femme, aux cheveux tirés vers l’arrière. L’ancien, hoche la tête. Il comprend … «La nostalgie, jeunes hommes, c’est la douleur que nous pose la proximité du lointain ». Les deux capestanais se regardent avec des yeux de merlan frit.

 

-  De que ? s’exclame Bobiel.

 

- La proximité … du lointain ? s’interroge Péacha en se grattant le crâne.

 

- Heidegger veut vous dire, reprend la jeune femme, que devant l’irréversibilité d’une décision, qu’elle soit justifiée ou incommodante, la nostalgie se pose toujours pour garder le lien avec les événements les plus anciens. La sensation est souvent désagréable, mais vous verrez, elle est préférable au vide le plus total. Vous verrez !

 

Bobiel, l’œil vif s’enquiert de connaître le nom de la jeune femme.

 

- Mon nom n’a pas d’importance mais puisque vous avez l’air d’insister, monsieur, je m’appelle Cynthia Fleury.

 

- Et bien Cynthia, réagit Péacha, dites à votre vieux pote que dans quelque temps on ne verra plus grand-chose, ici, contrairement à ce que vous avancez. Et puisque vous parlez de vide, il va y en avoir un de grand à Capestang. Et pour le remplir celui-là …

 

 

 

Avis pour adjudication pour la construction de la cave coopérative, paru dans le journal "La France industrielle", le 25/03/1936