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Eté 1944, entre enthousiasme, douleur & espérance

2ème partie : La douleur, par Jacques Chamayou


Chacun sait ce qu’il advint pour Capestang et les proches villages alentour.

 

Un féroce combat mit aux prises les jeunes résistants du secteur dirigé par Danton Cabrol et Durand père et fils de Poilhes face aux soldats de la Wehrmacht au col de Fontjun. Le piège !

Une soirée de feu et de sang que ce 6 juin. Cinq résistants tombés les armes à la main. D’autres, impuissants face à la force de frappe nazie, contraints de fuir à travers ravin et vignes ; parmi eux, certains grièvement blessés, trouvant dans des caches souvent insalubres des espaces de survie. Ils seront à jamais marqués dans leur chair.

 

Puis les derniers, acculés, obligés de se rendre avant d’être enfermés dans la gendarmerie de Saint-Chinian… pour être amenés dès le lendemain à la caserne Du Guesclin à Béziers. Ils y vivront leurs dernières heures. De la caserne au Champs de Mars, il n’y a que la rue à traverser. Leurs derniers pas… « De Du Guesclin au champ de Mars, ils n’ont que dix pas », comme l’écrira quarante ans plus tard dans un poème poignant, Étienne Cauquil…

Leurs derniers regards également vers le ciel azur sur une place baignée de soleil, où les autorités militaires ont rassemblé de force tout ce qu’ils ont trouvé d’habitants dans les parages. Pour l’exemple ! Juliette, son époux Robert Cauquil et tous leurs camarades d’infortune vont tomber sous les balles du peloton d’exécution. Six par Six. Trois salves ! Champ de Mars, Champ de guerre !

 

Le lendemain Capestang est encerclé par une centaine de soldats allemands menaçants, venus de Narbonne. Un viticulteur est abattu lâchement à la périphérie du village. Les chars bloquent les accès. Les hommes du village sont raflés. Cent-soixante-dix-neuf d’entre eux vont être déportés de l’autre côté du Rhin. Un seul ne reviendra pas. Il se nommait Joseph Leibowitz… André et André en ce printemps 2021 se souviennent. Certainement.

 

Évoquer cet épisode dramatique de la vie du village est toujours délicat. Même près de quatre-vingt ans plus tard. Je ne m’étendrai par conséquent pas davantage. Pour des raisons diverses qu’il serait inconvenable d’aborder ici. Les cicatrices sont encore douloureuses. Et les quelques fois où le débat public a été vraiment engagé, le ton est monté.

 

Cependant afin de développer ce qui va suivre, il était nécessaire de surligner ne serait-ce que d’un trait à peine coloré ces quelques jours de malheur. Juste pour poser le souvenir.

Pour les jeunes générations que le temps a pu épargner de récits et d’images fortes.

Pour ceux des « adoptés » du village qui ne se sont peut-être pas suffisamment approchés de la stèle, sise Place Jean Jaurès.

 

Car l’objet de cet article est ailleurs.

 

Il est à situer au cours des semaines qui ont suivi la terreur planant sur les toits des maisons du village…

 

Les bottes martelant les rues.

 

Les soldats confisquant les postes de TSF et mettant à sac certaines habitations.

 

Les menaces étouffant toute velléité d’une éventuelle rébellion. Les blocages annihilant tout

espoir d’aide venue de l’extérieur.

 

Capestang est resté durant plusieurs jours, coupé de tout contact avec l’extérieur.

 

 à suivre ....