Comment vivait-on avec les épidémies avant ?

par Philippe Barjaud


La pandémie actuelle nous semble extraordinaire, surtout parce qu’elle est médiatisée comme jamais dans le passé. Qui se souvient, par exemple, de la grippe de Hong-Kong en 1968-69, complètement oubliée malgré 40.000 morts dans notre pays ?
L’épidémie la plus terrible de tous les temps, la peste noire du 14ème siècle, fit entre 75 et 200 millions de morts dans le monde, autour de 40% en France. A Capestang, il est avéré que l’effondrement humain et économique qu’elle provoqua a été la cause de l’interruption de l’édification de la Collégiale. Les bizarres pierres saillantes de la façade occidentale inachevée sont donc d’une certaine façon les cicatrices visibles de la maladie…
Bien d’autres épidémies ont touché le pays depuis, comme la variole ou le choléra, au cours de siècles qui ne connaissaient ni vaccination ni antibiotiques. Mais Capestang subissait régulièrement un autre genre de peste, comme en témoignent au début du 19ème siècle les délibérations du Conseil municipal. Ainsi, le 10 mai 1829, il est écrit dans le registre :
« Capestang se trouve par sa situation topographique dominé par le canal du Midy, et à peu de distance de ses murs un marais infect dont les émanations pestilentielles joint à celles du canal quand il est à sec pendant les plus fortes chaleurs, moissonne tous les ans le dixième de sa population. »
En effet, les moustiques pullulant dans l’étang et ses marécages occasionnaient des poussées de fièvre paludéenne, la fameuse malaria. Ce qui amenait régulièrement la mairie à s’en plaindre auprès des autorités :
« La commune se voit réduite à (…) supporter les exhalaisons fétides qu’entraîne après cela l’absorption des eaux stagnantes par les rayons du soleil qui procurent dans notre malheureuse commune ces fièvres résistantes et intermittentes qui dégénèrent jusqu’en épidémie. (…). Aussi voit-on peu de gens avancés en âge, une jeunesse tardive à se développer et n’offrir au roi au moment du recrutement que des sujets débiles et mal constitués. (…) Notre malheureux village converti pendant l’été en infirmerie offre aux regards la majeure partie de ses habitants traînant dans les rues leurs (mot illisible), la tête enveloppée, le teint pâle et défait, ayant la plus grande peine à se soutenir. »
La salubrité publique a donc été une préoccupation permanente de la municipalité, l’amenant notamment à réglementer la cohabitation avec les animaux domestiques, comme dans les arrêtés pris pendant l’été 1835 :
« Nous, maire de la commune de Capestang,
« Vu les diverses instructions de Mr le Préfet relatives aux mesures à prendre en raison de la salubrité, afin de préserver la commune de la maladie épidémique qui déjà la menace et en diminuer surtout quand faire se peut l’intensité,
« Sur les plaintes à nous verbalement faites par plusieurs habitants de différents quartiers de la cité, de l’infection qu’occasionne l’établissement de plusieurs bergeries dans l’intérieur de la commune,
« avons arrêté les dispositions suivantes :
« Art.1erDans le délai de deux jours à partir d’aujourd’hui les habitants de la commune qui tiennent des lapins dans leurs habitations même dans des enclos qui en sont séparés s’ils se trouvent dans l’intérieur de la commune sont tenus de les enlever et il leur est expressément défendu de ne plus en tenir à l’avenir.
« Art.2 Dans le délai de huit jours les bergeries actuellement existantes dans l’intérieur de la commune seront changées de destination et il est défendu expressément d’y enfermer des troupeaux de bêtes à laine.
« (…) Art.4 A partir du délai ci-dessus, nul ne pourra introduire ni faire passer et circuler des troupeaux de bêtes à laine dans l’intérieur de la commune. »
Reste maintenant à attendre de lire ce qui sera porté aux registres de l’année 2020, à propos du coronavirus, pour nourrir le travail des historiens des siècles futurs…
Bonus : un dessin humoristique de 1919, au plus fort de l’épidémie de grippe dite « espagnole »…